Le Magazine
Quand on est trop bon pour être recruté !
Quand trop de compétences font peur
Le test est très simple et a été publié dans la revue très reconnue Administrative Science Quarterly : un groupe de chercheurs de Stanford, Carnegie-Mellon et Johns Hopkins a proposé, via 4 études distinctes, à 700 recruteurs professionnels de donner leur choix entre 2 profils LinkedIn (fictifs). Le premier est juste assez qualifié et le second a un CV objectivement supérieur car il montre de meilleurs diplômes et des employeurs plus prestigieux.
La conclusion est aussi radicale que surprenante : les recruteurs ont facilement identifié le candidat le plus qualifié (on vous voit, vilains que vous êtes, en train de vous dire « c’est déjà un bon point si les recruteurs arrivent à voir qui est le meilleur;-)) mais lorsqu’il s’agit de choisir, ils préfèrent l’autre, le moins qualifié des deux. N’ayant pas d’information précise sur la motivation, les recruteurs ont eu vite fait de conclure que le candidat surqualifié aura plus d’opportunités à choisir, plus de sollicitations, sera par le fait moins loyal avec l’entreprise. Pour faire court, il est moins motivé !
Les recruteurs préfèrent-ils les médiocres ?
Ce qu’il faut en conclure : la perception de l’engagement du candidat envers l’entreprise reste un point fondamental dans le process de recrutement. Chez Elaee, on le répète tellement souvent depuis 15 ans que vous l’avez déjà lu. Souvenez-vous de l’article « Derrière le « surqualifié vous êtes » les vraies raisons ! »
Le mauvais point : c’est qu’il est plus difficile pour un candidat plus qualifié que ce que le poste demande de convaincre.
Le bon point : ça laisse une chance aux candidats qui ne cochent pas toutes les cases mais dont la motivation exprimée peut séduire.
De là à recruter des médiocres non pas ! Dans le test, nous parlons bien de candidats moins qualifiés mais en adéquation avec le poste face à des candidats aux compétences supérieures. Les recruteurs considèrent que les candidats à haute capacité se soucient moins de la mission, des valeurs de l’organisation et montrent moins d’intérêt pour l’entreprise elle-même (en tout cas qu’ils feront moins d’efforts en ce sens). Et, surtout, c’est un fait qu’on a vu très souvent : ces candidats ont plus de possibilités d’emploi à l’extérieur, ce qui augmente leur risque de fuite et amoindrit leur pérennité sur le poste.
Tous les recruteurs vous le diront : un bon recrutement c’est l’amalgame des compétences attendues avec une compatibilité durable avec l’entreprise. Il est donc important de comprendre que les sélections de candidats peuvent être influencées négativement par des signaux démontrant de grandes compétences. Et que le jugement sur une motivation exprimée reste donc un point fort pour un candidat, quel que soit son niveau d’aptitude. A chacun donc de se préparer en bonne connaissance de cause.
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2 commentaires sur “Quand on est trop bon pour être recruté !”
Bonjour!
Article intéressant, mais je ne suis pas sûre de bien comprendre ce que la motivation du candidat à avoir avec l’étude que vous commentez. En effet, il me semble difficile d’exprimer une forte motivation pour un poste de travail sur un profile LinkedIn destiné à tout employeur, partenaire ou client potentiel. On ne peut pas créer un profile LinkedIn juste pour un poste. C’est d’ailleurs pour cela qu’on envoie généralement un CV résumé, focalisé sur le poste, avec un lien vers son profil LinkedIn, permettant à l’employeur de se faire une idée plus large du parcours du candidat. De plus, j’ai cru comprendre que ce n’est pas dans un CV qu’on exprime sa motivation, mais bien dans la lettre qui accompagne une candidature. Il me semble que les spécialistes RH nous le rabâchent assez souvent: Dans le CV, la formation, le parcours professionnel, le niveau de compétences et des exemples éventuels de leurs applications, et dans la lettre de motivation, une explication des raisons qui poussent à candidater dans l’entreprise en question, sous la forme d’une sorte de déclaration d’amour à cette dernière, démontrant au passage qu’on s’est vraiment renseignée sur elle et qu’on ne l’a pas choisie au hasard, simplement pour le poste.
Dans l’étude que vous relayez, on ne parle pas de CV, ni même de lettre de motivation, mais uniquement de la perception que des responsables RH peuvent avoir de profils LinkedIn. Et plus spécifiquement, un lien est posé entre leurs perceptions des compétences affichées sur ces profils et le risque pour l’employeur de voir ces personnes partir ailleurs après avoir été recrutées, c’est-à-dire de perdre leur motivation pour leur poste et l’entreprise qui les emploie. ll ne s’agit pas d’évaluer la motivation du candidat pour un poste, mais de comprendre comment les responsables du recrutement IMAGINENT ou SE REPRÉSENTENT la motivation potentielle du candidat, en fonction du décalage entre ses compétences et celles qui sont requises pour le poste.
En gros, de ce que j’ai compris, l’étude porte sur une question très, très spécifique, qui est en rapport avec la problématique des « mismatch », soit des décalages entre le cahier de charges du poste et la capacité du candidat recruté à les accomplir. Les auteurs expliquent bien que leurs recherches, relatées dans cet article, portent sur des variables très particulières de l’évaluation de la correspondance entre le profil LinkedIn d’un candidat et les prérequis du poste convoité, par les responsables RH, à savoir la perception des compétences en lien avec le risque de démotivation du candidat recruté. Ils en parlent dans la discussion, où ils précisent que le refus d’un candidat pour « surqualification » peut aussi être liée à la crainte par le responsable du poste d’engager un potentiel concurrent ou, en tous cas, une personne qui pourrait lui faire de l’ombre. Il y a aussi l’idée qu’un candidat qui postule pour un travail au cahier de charge, requérant des qualifications inférieures aux siennes, se trouve probablement pris dans un processus de déchéance professionnelle, qu’il a peut-être des problèmes qu’il ne mentionne pas et qui l’obligent, pour survivre, à chercher un poste en-deçà de ses compétences réelles.
Les auteurs expliquent aussi que leurs hypothèses reposent sur toutes sortes de présupposés qui, en fait, impliquent aussi de sérieuses limites à la portée de leurs conclusions. Plus spécifiquement, leur conjectures portent sur ce lien entre perception d’une surqualification du candidat et le risque qu’il se retrouve démotivé au bout de quelques mois et parte pour un autre poste, ne concerne pas le recrutement à l’interne (qui constitue quand même une grosse part du vivier de sélections de candidats, en tous cas pour des entreprises comptant plusieurs milliers d’employés), ni les postes en CDD, lesquels sont aussi assez fréquents. Elles se basent en fait sur une vision assez traditionnelle de la relation employé-employeur, c’est-à-dire, sur le long terme. à 10 ou 15 ans. Or, il se trouve que beaucoup d’entreprises ne peuvent souvent même pas garantir un poste pour 5 ans! C’est notamment le cas du secteur dans lequel ils se sont focalisés, c’est-à-dire celui des PME des soins et de la santé!
Par ailleurs, ils parlent de surqualifications par rapport à un poste de cadre. On n’est donc pas dans la situation où un ancien directeur financier de l’UBS pose sa candidature à un poste d’assistant-comptable dans une PME immobilière. Et on n’est pas du tout dans la situation d’une personne en début de carrière qui cherche un poste et qui doit compenser son manque d’expériences et donc potentiellement de compétences,, par une motivation débordante.
Du coup, je ne suis pas sûre de bien comprendre ce que vous voulez nous expliquer en parlant de l’importance pour un candidat de se montrer motivé au cours du processus de recrutement et cette étude. De plus, après vous avoir lu, j’ai l’impression que l’on devrait presque « manipuler » son CV ou même son profil LinkedIn pour éviter d’avoir l’air trop qualifié par rapport à un poste, en général, que l’on vise. Ce qui pose problème quand on sait qu’une des principales craintes des recruteurs, ce sont justement les affirmations inexactes, voire carrément fausses, des candidats, que ce soit dans leur CV, leur profil LinkedIn ou même leur lettre de motivation. Ce n’est pas pour rien que les recommandations sont toujours plus importantes (et que les recruteurs sont à l’affût de la moindre recommandation « bidon »).
Je suis désolée pour cette longue tartine, mais le sujet dont vous parlez me touche beaucoup, notamment en tant que personne sur le spectre, souvent perçue comme une sorte de robot organique. Et je vous remercie de m’avoir lue jusque-là!
Merci Ariane pour cette analyse très fouillée de l’analyse fournie par les chercheurs en charge de cette étude. Pour être plus clairs sur notre discours, nous voulions simplement avertir nos lecteurs (ceux en recherche d’emploi bien sûr mais aussi les managers et les RH) d’un travers qui montre que, contrairement à ce qui pourrait sembler logique, ce n’est pas toujours le candidat le plus qualifié qui est recruté. Nous nous sommes appuyés sur cette étude pour mettre en avant la motivation, un critère souvent sous-évalué lorsqu’on est candidat.e…