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Formation pro : le digital au secours du « big bang »
Et si le digital servait de détonateur à l’effet « big bang » voulu par les Pouvoirs publics par rapport au monde souvent « opaque » de la formation professionnelle ?
Pour faire face à l’enjeu stratégique sous-jacent de compétitivité, tout en proposant une régulation des moyens vers les moins formés et une solidarité vers les PME de moins de 50 salariés, il fallait à tout le moins une volonté forte et sans doute un effet disruptif.
Dans ses annonces récentes, la Ministre semble avoir choisi ce cap avec un compte personnel de formation exprimé en euros, des formations mobilisables depuis un smartphone, sans intermédiaire, ou encore la création d’une agence nationale de régulation et d’évaluation, …
Radioscopie des mesures phares.
Un Compte personnel de formation (CPF) en euros
Sans remettre foncièrement en question les termes de l’accord conclu par les partenaires sociaux, le Gouvernement entend faire du CPF le réceptacle unique des acquis individuels.
Mais la modalité la plus en rupture est finalement l’unité de comptabilisation des acquis.
Tandis que syndicats et patronat s’étaient entendus pour porter le crédit CPF à 35 heures par an avec un plafond de 400 heures (55 à 550 heures pour les personnes sans qualification), les Pouvoirs Publics ont poussé les feux vers un changement qui pourrait être plus que simplement comptable. En effet, au 1er janvier 2019 : les 35 heures vont devenir 500 euros avec un plafond de 5 000 euros, à temps partiel comme à temps plein (de 800 à 8 000 euros pour les personnes sans qualification).
L’usage du CPF ne se posera donc plus en termes de durée mais aussi et surtout en termes de budget.
La disruption via une appli mobile
Comme pour être certain de marquer une rupture avec des habitudes profondément ancrées, le Gouvernement mise sur le digital, via une application mobile qui, à horizon 2020, devrait permettre de consulter son CPF et de réserver des formations directement à partir d’un smartphone.
Et, pour ne pas s’arrêter en si bon chemin, il serait aussi possible de payer à partir de la même appli.
Le système serait géré par la Caisse des dépôts.
Pour éviter certains abus d’opérateurs, les CEP (Conseils en évolutions professionnels) serviraient de chevaliers blancs et pourraient être consultés gratuitement avant tout engagement.
Un appel d’offre est prévu pour sélectionner les organismes qui rempliraient ce rôle, région par région.
Une agence de régulation nationale
En remplacement de structures référentes dont les sigles ne parleront qu’aux très initiés, les Pouvoirs publics prévoient la mise en place d’un organe national unique, une « Agence France Compétences ».
Cette future agence, placée sous gouvernance tripartite associant Etat, partenaires sociaux et Régions, aura en charge l’évaluation et la régulation de la formation professionnelle et de l’apprentissage.
Elle aura notamment pour mission la certification à partir d’une liste de critères à déterminer et portera sur les prix mais aussi sur la qualité. Pour les organismes de formation il faudra passer par les fourches caudines de la régulation pour prétendre au financement public.
Cette régulation vise à garantir l’esprit de la réforme en :
– En prévenant l’inflation des prix avec le passage du CPF en euros ;
– En veillant à la bonne répartition des 4 milliards de la future contribution alternance prévue vers les CFA ;
– En sécurisant la contribution solidaire des grands comptes vers les PME de moins de 50 salariés.
A noter : ce virage centralisateur aura aussi pour conséquence de diminuer inexorablement les attribution des OPCA (Organismes paritaires collecteurs agréés).
Un financement solidaire en direction des PME
Aux dernières nouvelles les taux de contribution demeurent inchangés : 1,23 % de la masse salariale jusqu’à 10 salariés, 1,68 % au-delà.
A contrario la répartition va évoluer : toutes les entreprises, indépendamment de leur taille, cotiseront pour la formation de celles de moins de 50 salariés. Le taux n’est pas encore arrêté, mais l’objectif est bien d’aider les entreprises de petite taille à faire un bond de compétitivité en matière de compétences.
Au global, en dehors de l’effet « big bang », largement souligné par la presse, la volonté des Pouvoirs Publics va vers un poids plus important de l’Etat dans un domaine jugé stratégique pour la compétitivité de l’économie. Et parallèlement vers une plus grande marge de manœuvre pour les salariés, pour les responsabiliser tout en les protégeant d’éventuelles mésaventures.
Alors, la question se pose une nouvelle fois : salariés, employeurs, acteurs de la formation, financeurs, … sommes-nous prêts pour une formation professionnelle (plus librement) choisie et (plus) équitablement répartie ? …
Pierre Fullenwarth, rédacteur, contributeur Elaee.
Pour approfondir la question :
Le « big bang » de Pénicaud sur la réforme de la formation professionnelle > La Tribune, 05/03/2018
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