Le Magazine
Agences / Annonceurs : la guerre des talents
C’est le constat que je fais, interviewée par le magazine Intermédia, spécialiste marketing, communication et médias en Auvergne-Rhône-Alpes.
Suite à un sondage (auprès de 64 dirigeants) montrant que la création d’emplois au sein des agences de communication va se poursuivre en 2018, les chiffres tombent :
– deux tiers des agences sont décidées à recruter : 69% ont recruté en 2017 et 65,5 % font le faire cette année.
– les embauches concernent dans 74% des cas 1 à 3 postes mais 1 agence sur 10 a tout de même dépassé les 10 recrues.
OK mais pas si simple.
Face à ce constat, il y a une réalité sur le front de l’emploi : les agences ont souvent du mal à pourvoir leurs postes.
Ah bon ? Mais pourquoi ça ?
Les agences de communication font donc toujours rêver les candidats ?
« C’est un beau métier. » C’est ce que déclare l’AACC qui défend ses membres en nous indiquant que travailler en agence de com c’est cool !
Certes, la créativité et la variété des sujets traités en agence donnent à « l’amour du métier » une note de 7 sur 10.
Mais la réalité du marché de l’emploi, en tout cas telle qu’on la vit chez Elaee, n’est pas tout à fait en adéquation avec cette conclusion. En tant que recruteurs spécialisés communication, marketing et digital, nous rencontrons des candidats et des décideurs tous les jours. Et nous recrutons pour des agences comme pour des entreprises, grands groupes, ETI, PME, PMI ou TPE. On peut donc vous donner un petit état des lieux vu de l’intérieur…
Force est de constater qu’une tendance forte s’est confortée en 2017 et n’est pas terminée : dans nos métiers, les entreprises recrutent de plus en plus, créant leurs propres équipes, avec un financement en grande partie pris sur le budget annuel confié aux agences.
« On est toujours mieux payés en entreprise qu’en agence » est une des raisons essentielles de l’attractivité des entreprises mais ce n’est pas la seule. Les candidats nous en citent beaucoup d’autres : gérer une action de A jusqu’à Z, faire partie intégrante d’une marque, être acteur sur (et voir) le résultat, avoir des perspectives de carrière, apprendre la vie d’une entreprise, avoir un meilleur équilibre vie pro / vie perso…
Chacun sait, pour peu qu’il ait travaillé en agence, que le Saint Graal est de passer « du côté de chez l’annonceur« , on l’entend tous les jours. Même si c’est souvent fantasmé : « si je deviens client, c’est moi qui donne les ordres »… en oubliant quelque peu qu’il y a d’autres contraintes comme celle d’être confronté à un comité de direction pas du tout convaincu de l’intérêt de la communication ;-))
Les entreprises, elles, nous indiquent souvent dans nos descriptifs de postes à recruter, « qu’être issu.e d’agence est un plus, voire un pré-requis ». Elles sont intéressées par la capacité à traiter différents sujets, à jongler avec un grand nombre de dossiers, à connaître la réalité du service à apporter au client, à traiter avec des interlocuteurs multiples, à apporter de la créativité… Et par leurs salaires, inférieurs d’environ 20% en agences.
On vous donne ces réponses dans le désordre…
L’agence intégrée en entreprise, la solution ?
Chez Elaee, on n’a jamais tant recruté des équipes complètes au sein des entreprises : de l’acteur majeur européen qui crée son staff d’experts digitaux à la grande équipe de communication (du Dircom au Community manager en passant par le Directeur de création et le UX designer), ce n’est plus un effet de mode, c’est une révolution.
Poussée par les RH et par les services achats, la décision d’internaliser ces compétences créatives, marketing, digitales et stratégiques séduit les directions générales, qui voient là le moyen d’avoir sous la main des collaborateurs qui comprennent parfaitement la réalité de l’entreprise (fait souvent reproché aux agences), et une ligne allégée dans les frais externes de l’entreprise. D’ailleurs, on voit souvent parmi les compétences attendues pour un manager communication, marketing ou digital à recruter, celle d’avoir déjà un réseau de free-lances ou de savoir en monter un.
Digitalisation et professionnalisation des annonceurs
Sans aucun doute, la raison principale de ce constat est la mutation des métiers de communicants instaurée par le digital. Contrainte ou forcée, la transformation des compétences techniques ou stratégiques intègre obligatoirement, dorénavant, le numérique. On ne recrute plus un communicant qui ne connaît rien au web. Même quand on est un senior : « je suis pro en com mais nul en web, comment je fais ? ».
Il est bien loin le temps où le client de l’agence n’avait aucune connaissance et était obligé de faire confiance à son agence. Certes, il y a toujours certains secteurs d’activité friands de jeunes chefs de produits tout juste sortis d’écoles à qui on confie la relation agences (les experts en marketing opérationnel ou promotion des ventes ne nous contrediront pas). Mais dorénavant, le client d’agence est non seulement informé mais formé. Il vit lui aussi la digitalisation de son métier et son entreprise est souvent bien armée pour l’aider à se former. Le donneur d’ordre est de plus en plus expert, et donc de plus en plus exigeant.
Surtout s’il sait ce qu’est le monde de l’agence, dans le cas où il en est issu ;-))
Et vous alors, agence ou annonceur ?
Claire Romanet
Article suivant Témoignage client d'Elaee - Article précédent Logos : tout savoir des nouvelles tendances pour 2018
Les fiches métiers
Je dépose mon CV
Toute peine mérite salaire
Rémunération, salaire, paie… autant de gros mots qui sont tabous en France, même dans les métiers de la création, de la communication, du marketing et du digital.
11 commentaires sur “Agences / Annonceurs : la guerre des talents”
C’est tout à fait ça. Le digital a effectivement fait bouger les lignes.
Les agences de communication dites « historiques », qui sont encore loin du compte pour la plupart. Très souvent déconnectés des logiques de coûts du digital, elles sont contraintes par les allers/retours annonceur/agence, les validations, les COPILs… qui prennent du temps et de la ressource. Or, la réduction du temps, c’est souvent le facteur clé du projet digital.
Internaliser est curieusement souvent moins cher, permet de garantir une réactivité forte et une parfaite maîtrise du sujet.
Par exemple, quand un community manager parle au nom de sa marque, il est plus pertinent et réactif qu’une agence externe qui devra « s’imprégner » et être soumis à un cycle de validation long et fastidieux.
Je serai plus tempéré par contre sur la conception des stratégies, les plateformes de marque, etc… Il est toujours utile de s’alimenter avec des idées « fraîches » et objectives, fraîcheur qu’on perd souvent au bout d’un moment en basculant chez l’annonceur.
Très belle journée
Vous donnez là un très bon exemple @Franz : le Community manager fait partie des premiers postes intégrés pour les raisons que vous évoquez. Plus une petite : il est totalement dédié à l’entreprise et ne travaille pas pour d’autres.
Quant à la stratégie, la création de poste en entreprise arrive le plus souvent après avoir testé l’agence, et le Freelance. Cela étant, il faut déjà une équipe solide et une taille d’entreprise suffisants pour intégrer ce genre de poste.
Merci de nous suivre.
Les deux mon capitaine !
Mais la diversité des sujets et clients en agence apporte quelque chose d’unique à mon sens. Et autorise aussi peut être plus de liberté…
Je crois aussi que la diversité des profils de collaborateurs est plus réelle que chez l’annonceur, ou tout me semble plus formaté et ce dès à le recrutement (un annonceur auto luxe qui recherche un dir com va exiger dans sa recherche un profil ayant déjà de l’expérience chez un constructeur auto luxe, en bref, un concurrent…). Je trouve cela dommage est quasi systématique en France.
Choisir entre annonceur et agence … Bonne question ! Pour avoir travaillé en « agence interne » chez l’annonceur puis de manière « donneur d’ordres » toujours chez l’annonceur je me pose moi-même la question. Être au cœur de l’annonceur est vraiment un réel plus car on partage les valeurs de la société, on s’en imprègne. Être en agence permet plus de créativité, demande d’être force de propositions pour satisfaire la demande… Je dirai que le choix dépend beaucoup de la personnalité du candidat : si on a besoin de travailler avec ce sentiment d’appartenance alors je dirai oui plutôt l’annonceur mais si l’on souhaite créer, proposer, reproposer et exécuter le choix au client alors je dirai l’agence. Le mieux est d’essayer les deux et pouvoir faire son choix sans regret ! (et ça apportera une compétence complémentaire au profil du candidat 😉 )
@Marie-Aude : les agences seraient-elles plus ouvertes d’esprit quant au choix de leurs candidats ? Penses-tu qu’elles ne demandent pas, elles non plus, des candidats issus de la concurrence directe ?
;-))
Bonjour Claire, très bon article ! Il est vrai en effet qu’après plus de 15 ans en agence, la principale envie est de gérer une marque de À à Z ! Il est vrai que les marques souhaitent tout internaliser et c’est la raison pour laquelle je souhaite faire évoluer ma carrière au sein d’un department Brand / Communication.
Un point a particulièrement retenu mon attention : la volonté d’internaliser un certain nombre de fonctions voire même, de re-créer en interne des modèles d’agence (Content Factory, Studio, Agence in-house…) Au-delà du critère économique (bien compréhensible) j’explique cette tendance de fond au regard des changements qui bouleversent la communication aujourd’hui : inflation du besoin de contenus, nécessaire cohérence du discours de la marque face à un environnement digital éclaté, impératif d’agilité (quand les process Agence-Annonceur sont encore très lourds)… Je trouve la démarche véritablement intéressante pour une entreprise mais également très exigeante en terme de recrutement (et c’est sans doute la raison pour laquelle l’expertise d’ELAE est précieuse)
J’ai eu l’occasion de créer une offre au sein d’une grande agence pour ses plus gros clients : structure hybride réunissant les experts de la marques, des talents créatifs freelances venus d’univers divers, des partenaires media… J’ai pu constater à quel point le digital nous permettait aujourd’hui de renouveler les process et de repenser les organisations !
@julie, je trouve très intéressant votre point de vue. En effet, nous vivons depuis quelques temps une véritable révolution qui nous invite à nous repenser. Nos esprits doivent être ouverts pour imaginer les organisations différemment. Malheureusement je n’arrive pas à me convaincre que les annonceurs aujourd’hui s’inscrivent dans cette démarche . Les profils recherchés sont très / trop formatés, les process de validation longs, les prises de risque sont minimisées, … bref une révolution oui mais en douceur.
Peut-être que les prises de risques sont minimisées lorsqu’il y a chez l’annonceur à la fois des RH et des opérationnels pour valider un recrutement certes. Mais on peut vous assurer que des profils non formatés les intéressent et surtout que les process de recrutement ne sont pas plus longs qu’en agences. Par exemple en ce moment chez Elaee : d’un côté une agence qui a 2 candidats à voir depuis 3 semaines et qui n’arrive pas à caler un RV et de l’autre une entreprise qui signe dès le 2e RV avec notre candidat, rencontré 4 jours après la transmission de notre dossier. Comme quoi…
Annonceur !
Comme beaucoup de mes confrères j’ai fait mes armes en agence et suis passé de l’autre côté du miroir… à mon plus grand plaisir.
si Claire Romanet a raison de dire qu’il ne faut pas sous-estimer le contexte de l’entreprise moins à l’aise avec la communication que ne peut l’être une agence, pour ma part cela a été un des premiers défis à relever. Je pense avoir participé à faire grandir le comité de direction en ce sens et c’est une de mes satisfactions aujourd’hui.
Merci Elaee pour ces billets au ton toujours aussi personnels et ces témoignages sensés.
@Claire, et bien pour avoir été « être les deux » c’est à dire en régie pub pendant 10 ans, j’ai vu plus souvent des contacts annonceurs passer en agence que l’inverse. Et pourtant c’est en effet considéré comme le graal de « passer chez l’annonceur » !
Ça me laisser penser que oui, les agences (et les régies d’ailleurs) sont un peu plus ouvertes dans leurs recrutements.
Et moi même je n’ai encore jamais réussi à passer 100% côté « marque » à mon que l’on considère un éditeur comme tel, ce qui n’est pas faux !
À bientôt j’espère :)) au moins un café 😉 bises