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Pleurs et sourires de chasseur de têtes
Ah, vous croyez que c’est facile vous, une journée de recruteur. Vous dites ? On a le beau rôle, planqués derrière notre bureau, à écouter, questionner, juger les pauvres demandeurs d’emploi stressés qui sont face à nous ?
Et bien non ! Ne vous méprenez pas. Ce n’est pas du tout comme ça que cela se passe.
D’abord (petite piqûre de rappel utile), NOUS NE SOMMES PAS DES JUGES, notre boulot est de mettre en adéquation une personne avec un poste. On a tout intérêt, tout comme les candidats, à ce que les rencontres soient positives et constructives.
Ensuite, notre quotidien a, lui aussi, son petit lot de désagréments (bon d’accord, parler de pleurs est peut-être un peu exagéré) et de surprises (les sourires ? ça oui).
Exemple-type d’une journée. Hier en l’occurrence.
Elle commence plutôt bien puisque, au milieu d’un planning coloré de toutes les impératives choses à faire d’ici le soir, apparaît une petite tranche horaire, blanche, toute vide, sans indication. Ah, super, j’applique les règles de la gestion du temps que j’enseigne en formation ! Très fière de mon planning je suis.
Et la journée commence :
– La gestion des mails qu’on se distribue, et auxquels nous mettons énormément de temps à répondre. Oui, c’est vrai, on n’est pas très rapides, mais c’est normal, puisque pour faire une réponse personnalisée, il nous faut étudier en détail chaque candidature. Et on répond à tous, même les demandes en alternance (pardonnez-leur seigneur, ils sont jeunes ils ne savent pas que les cabinets de recrutement ne sont missionnés que sur des CDI demandant, au minimum, 2 ans d’expérience).
– Les appels téléphoniques entrants : « Avez-vous bien reçu ma candidature ? » Et comment on fait pour vous envoyer un dossier ? » « Quoi, vous ne faites pas d’intérim ? ». No comment.
– Les debriefings des tests passés par deux de nos short-listés. En général, nos interlocuteurs sont très heureux qu’on leur explique les résultats, même si, transparence oblige, on évoque, avec le plus de diplomatie possible, aussi des points qui peuvent leur déplaire.
– Les appels téléphoniques sortants, c’est-à-dire les premiers entretiens téléphoniques avec les candidats sélectionnés sur la dizaine de postes que nous avons à pourvoir.
Et c’est là que les déconvenues commencent…
– Exemple : un profil tout à fait en adéquation avec notre recherche, aussi bien en termes d’objectif professionnel décrit que de discours… On écoute, on écoute, mais surtout on se dit « trop super ! » et paf, à la question du salaire, on se rend compte qu’on ne pourra pas le faire avancer. Allez hop, un de moins.
Ce n’est que le premier de la journée dans la longue liste de ceux avec qui nous échangeons, sans succès (pour les mauvaises langues, sachez que c’est aussi souvent parce que les candidats ne sont pas intéressés que parce qu’ils ne correspondent pas à notre recherche).
– Autre exemple : la candidate qui annule son RV avec notre client, au dernier moment. En envoyant un mail directement au client en plus, sans même prendre la peine de nous avertir nous ! Alors qu’on a passé 3 heures avec elle, en entretiens téléphoniques et face à face, et qu’on pensait avoir instauré une relation de confiance. Aïe ! On se dit, zut on a loupé un truc, on a mal fait notre job et on est un tantinet vexés. Et ensuite on se raisonne pour conclure que non, il y a aussi des personnes qui ont un sens de la correction différent du nôtre (c’est gentiment dit non ?).
– Nouvelle déconvenue : l’erreur de casting. Lorsque, après avoir identifié et chassé la personne qu’on croit en adéquation avec notre recherche, on se rend compte qu’on parle à un homonyme, qui ne connaît rien au métier sur lequel on l’attend. Ah, ça énerve ça.
– Ou encore : la tête de liste qui nous explique qu’elle retire sa candidature parce qu’elle vient de dire oui ailleurs (sur ce coup-là, on n’est pas trop surpris car notre client, qui l’avoue lui-même, a trop tardé pour faire un choix). Bon, là, on sort le mouchoir parce que, pour nous, c’est comme repartir à zéro.
Il faut une bonne dose de moral pour faire notre job n’est-ce pas ?
Effectivement, pour être chasseur de têtes, il faut des qualités indéniables qui sont très proches des critères recherchés pour des fonctions commerciales : entrain, dynamisme, sens du contact, abnégation, créativité et… endurance !
Heureusement, il y a aussi de bons moments qui égayent notre quotidien, quand on rigole autour de la théière (oui, on est plus thé que café chez Elaee), quand on reçoit des petits mots gentils de la part des candidats tout étonnés qu’on leur ait fait une réponse, quand une nouvelle mission nous arrive par le biais d’une recommandation (ça on adore !), ou bien (encore mieux !) quand nous tombent dessus les remerciements, en même temps, d’un client et du collaborateur qu’il a embauché grâce à nous !
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10 commentaires sur “Pleurs et sourires de chasseur de têtes”
Effectivement, ça fait moins rêver tout de suite. Même avec votre fin qui est somme toute optimiste. Mais bon, on a tous un métier avec des avantages et des inconvénients, on ne sait pastoujours s’en rendre compte. Et c’est vrai aussi qu’on trouve "toujours l’herbe plus verte ailleurs".
Et 200 candidats à vouloir vivre ces journées type? Malheureux innocents, inconscients, masochistes ?
Peut-être même amateurs de café ?
Merci en tout cas de nous dévoiler " tout ce qu’on a toujours voulu savoir sur le recrutement sans jamais oser le demander".
J’avoue, je fais partie de ces 200 masochistes 😉
Pourtant je ne regrette pas une seconde. En effet, comment ne pas avoir envie de faire chaque jour de nouvelles rencontres, d’aider des personnes à avancer dans leur vie professionnelle et par conséquent dans leur vie personnelle. Comment ne pas vouloir non plus rigoler autour d’une théière (c’est vrai quoi c’est rigolo une théière…). Sans blague tous les métiers ont leurs avantages et leurs inconvénients, mais celui -ci est varié et différent chaque jour, loin de la routine du bureau. Enfin pour ma part, j’avoue que ce métier est mon idéal.
En tout cas ce petit billet d’humeur, plein d’humour me donne encore plus envie de devenir moi aussi chasseur de têtes. Peut être qu’un jour je vous raconterai, moi aussi, mes pleurs et mes sourires. 😉
Bonjour,
Peut-être que ma réaction passera à la trappe étant donné la date de publication de l'article.
Cependant, puisque nous parlons de recrutement. Je souhaitais avoir vos commentaires sur une certaine désolation. En effet, il est bien dommage qu'en France, qu'un recruteur accepte très rarement une personne qui a peu ou pas d'expériences dans le secteur d'activité de son entreprise.
La culture anglosaxone est bien différente sur ce point. Même si nous pouvons évoquer une différence en terme de droit social (du travail), ce serait appréciable plus de flexibilité qui pourrait s'avérer très prometteur.
Selon mon point de vue,Le rôle d'un chasseur de tête est également d'essayer de faire évoluer son client? (tout alliant finesse et respect cela va de soi…)
Qu'en pensez-vous?
Recruter sur le futur et non pas sur le passé, c'est exactement notre objectif à nous aussi. Et vous avez raison, notre boulot consiste aussi à faire grandir les mentalités des employeurs en ce sens-là. C'est ce que nous faisons par ex. en présentant des candidats qui ne sont pas exactement "dans le brief" mais qui nous semblent tout aussi intéressants en terme de potentiel.
Merci pour votre réponse.
J'ai eu l'occasion d'avoir pu débattre de cette problématique dans des cabinets de recrutements à forte notoriété. Certains invoquent le droit du travail qui est difficile en France et d'autres les objectifs à remplir…
Je me retrouve parfois désarmée. Je ne sais pas si c'est l'endroit pour en parler, mais si mon post permet une réaction et une ouverture de débat alors pourquoi pas…
Donc désarmée, car j'ai une expérience de 5ans dans le marketing, qu'aujourd'hui soit je passe des entretiens et me rends vite compte que le poste ne me convient pas ou que les postes qui pourraient éventuellement me convenir ne m'octroient pas d'entretiens.
La plupart des besoins ne s'inscrivent pas toujours sur un site d'offre d'emplois. Comment rencontrer ces acteurs?
Elargir son réseau mais bien souvent c'est très décevant. 80% de candidats et peu d'opérationnels.
Je trouve que parfois les réseaux sociaux sont peu ou mal exploités.
Ce qui fait la différence d'une personne à une autre c'est l'échange et la rencontre. Pour qu'il y est rencontre, il faut avoir connaissance du besoin d'un côté et de l'offre de l'autre…
Avez-vous des conseils pour atteindre ce marché? Celui qui ne figure ni dans la presse, ni sur les sites d'emplois…
Comment rencontrer des sociétés peu connues et peu standard à qui on aurait une réelle valeur ajoutée à apporter. Les salons, Forums et autres ne suffisent malheureusement pas.
Merci!
Et que faites vous du candicat selectionné qui a le job, et qui se fait remercier à la fin de sa periode d'essai ?
Merci pour ce billet humoristique, ça fait du bien de rappeler ce qui se passe de "l'autre côté"! On m'a raconté l'anecdote d'un stagiaire Bac+5 faîchement diplômé qui un jour ne s'est plus présenté au bureau. Très inquiet, et n'ayant pas ses dernières coordonnées, son employeur a réussi à joindre la mère. Qui a expliqué très sérieusement que le trajet était trop long et trop fatiguant pour son fils, et qu'il ne terminerai donc pas son stage… CQFD!
merci de ces confidences sympaths,
chasseur c'est tout de même un beau métier, non ?
Il est toujours bon de redorer un blason… J'ai été agréablement surprise lors du dernier entretien fait chez un de vos confrères. Parce qu'il est agréable de parler de son métier avec une personne qui en a la connaissance et dont le recrutement est son métier. Avoir des recruteurs spécialisés dans les métiers de la com. est donc une aubaine, l'entretien (à mon sens…) s'est bien passé, par contre et alors qu'il était convenu que je rappelle le recruteur, ce fut une toute autre histoire… Après 2 appels et 1 mail infructueux, je ne cherchais plus à avoir une réponse concernant le poste à pourvoir mais bien à mettre ce recruteur fasse à ses responsabilités… C'est aussi de son devoir de s'expliquer, justifier, communiquer. Il m'en est resté un petit goût amer et une déception. C'est une bonne chose d'avoir des recruteurs qui connaissent nos métiers mais à choisir je préfère une relation où le respect de l'autre reste la clé d'un entretien réussi.